RITRATTI
delle cose d'Italia

UN RAS E UN FIANCHEGGIATORE

    Le comte Clena fut plus énergique encore: - Pour commencer, dit-il, égorgons, étripons, décervelons les républicains et tans les chosards du gouvernement. Nous verrons après.

    M. de la Trumelle était un modéré. Les modérés s'opposent toujours modérément à la violence. Il reconnut qua la politique de M. le comte Clena s'inspirait d'un noble sentiment, quelle était généreuse, mais il objecta timidement qu'elle etait peut-être pas conforme aux princìpes et qu'elle présentait certains dangers. Enfin, il s'offrit à la discuter.

UN CONTRADDITORIO DI DE GRANDI

    La réunion était contradictoire; un défenseur de l'Etat moderne et de la république, homme de profession manuelle, se présenta.

     - Messieurs - dit le président Rauchin - nous avons annoncé qua la réunion serait contradictoire. Nous n'avons qu'une parole; nous ne sommes pas comme nos contradicteurs, nous sommes honnêtes. Je donne la parole au contradicteur. Dieu sait ce que vous allez entendre! Messieurs, je vous prie de contenir le plus long-temps qu'il vous sera possible l'expression de votre mépris, de votre dégout et de votre indignation.

     - Messieurs - dit le contradicteur... Aussitôt il fut renversé, foulé aux pieds par la foule indignée, et ses restes méconnaissables jetés hors de la salle.





MOLINELLA

    Les sept-cents pyrots inspiraient au public une aversion croissante. Chaque jour, dans les rues d'Alea on en assommait, deux ou trois: l'un d'eux fut fessé publiquement, un autre jeté dans la rivière; un troisième, enduit de goudron, roulé dans des plumes et promené sur les boulevards a travers une foule hilare; un quatrième eut le nez coupé par un capitaine de dragons. Ils n'osaient plus se montrer à leur cercle, au tennis, aux courses, ils se dissimulaient pour aller à la Bourse. Dans ces circostances il parut urgent au prince des Boscénos de refréner leur audace et de réprimer leur insolente.

IL CONGRESSO DI LIVORNO

    Les députés que, depuis deux ans, les hurlements des foules patriotes faisaient pâlir, n'en devinrent pas plus courageux, mais ils changèrent de lâcheté et s'en prirent au ministère Robin Mielleux des désordres qu'ils avaient eux-mêmes favorisés par leur complaisance, et dont il avaient plusieurs foix, en tremblant, félicité les auteurs.





ABORTI MORALI

    Ce qui était plus triste pour les gens du cœur, c'était l'aspect de ces cafards, qui, de peur des coups, se tenaient à distance égale des deux camps, et tout égoïstes et lâches qu'ils se laissaient voir, voulaient qu'on àdmirât la genérosité de leurs sentiments et la noblesse de leur âme; ils se frottaient les yeux avec des oignons, se faisaient une fouche en gueule de merlan, se mouchaient en contrebasse, tiraient leur voix des profondeurs de leur ventre, et gémissaient:

    "O Pingouins, cessez ces luttes fratricides; cessez de déchirer le sein de votre mére!", comme si les hommes pouvaient vivre en société sans disputes et sans querelles, et comme si les discordes civiles n'étaient pas les conditions nécessaires de la vie nationale et du progrès des mœurs, pleutres hypocrites qui proposaiet des compromis entre le juste et l'injuste, offensant ainsi le juste dans ses droits et l'injnste dans son courage.

UN FIANCHEGGIATORE

    Mais Jean Blaise d'un air de superiorité:

     - Vous êtes dans le rêve; moi je suis dans la vie. Croyez-moi, mon ami, la Révolution ennuie: elle dure trop. Cinq ans d'enthousiasme, cinq ans d'embrassades, de massacres, de discours, de Marseillaise, de tocsins, d'aristocrates à la lanterne, de têtes portées sur de piques, de femmes à cheval sur des capos, d'arbres de la Liberté coiffés du bonnet rouge; d'emprisonnements, de guillotine, de rationnements, de carmagnoles, c'est long! Et puis 1'on commence à n'y plus rien comprendre... Je suis républicain et patriote... Je suis aussi républicain que vous, je suis aussi patriote qua vous, citoyen Evariste Gamelin. Je ne soupçonne pas votre civisme... Mais sachez que non civisme et mon dévouement à la chose publique sont attestés par des actes nombreux. Mes princìpes, les voici: Je donne ma confiance à tout individu capable de servir la nation. Devant les hommes, que la voix publique désigne au périlleux honneur du pouvoir législatif, comme Marat, comme Robespierre, je m'incline; je suis prêt à les aider dans la mesure de mes faibles moyen et à leur apporter l'hamble concours d'un bon citoyen. Les comités peuvent támoigner de mon zèle et de mon dévouement.





LO STESSO DOPO TERMIDORO

     - Ce pauvre Gamelin... - Il avait 1'âme d'un criminel! rèpliqua le citoyen Blaise: - Je l'ài démasqué, à cette place même alors que ses instincts sanguinaires ètaient encor contenus. Il ne me l'a jamais pardonné... Ah! c'était une belle canaille.

     - Le pauvre garçon! il était sincère. Ce sont les fanatiques qui l'ont perdu.

     - Vous ne le défendrez pas, je pense, Desmahis!... Il n'est pas defendable... - Et le citoyen Blaise tapant sur l'épeule du beau Desmahis: - Les temps sont changés. On peut vous appeler "Barbaroux", maintenant qua la Convention rappelle les proscrits... J'y songe: Desmahis, gravez-moi donc un portrait de Charlotte Corday.

UNA SAGRA

    Précédé d'un sapeur qui faisait place au cortège, entouré d'officiers, de gendarmes, s'avançait lentement, sur les têtes des citoyens, un homme au teint bilieux, le front ceint d'une couronne de chêne. Les femmes lui jetaient des fleurs. Il promenait autour de lui le regard perçant de ses yeux jaunes, comme si dans cette multitude enthousiaste, il cherchait encore des ennemis du peuple à dénoncer, des traîtres à punir. Sur son passage, Gamelin, tête nue, mêlant sa voix à cent mille voix, cria: - Vive Marat!





IL DUCE E UN GREGARIO

    Evariste Gamelin, ferme les yeux et pense:

     - Les méchants, en forçant Marat à se cacher dans les trous en avaient fait un oiseau de nuit, l'oiseau de Minerve, dont l'œil perçait les conspirateurs dans les ténèbres où ils se dissimulaient. Maintenant c'est un regard bleu, froid, tranquille qui penètre les ennemis de l'Etat et dénonce les traîtres. Le nouveau sauveur voit ce que personne n'avait vu et son doigt levè répand la terreur. Il distingue les nuances délicates imperceptibles, qui séparent le mal du bien, le vice et la vertu, que sans lui on eût confondues, au dommage de la patrie et de la liberté; il trace devant lui la ligne mince inflexible en dehors de laquelle il n'est, à gauche et à droite, qu'erreur, crime et scélératesse. L'Incorruptible enseigne comment on sert l'étranger par exageration et par faiblesse, en persecutant les cultes au nom de la raison, et en resistant au nom de la religion aux lois de la Republique. Agent de l'étranger, quiconque rejette les idées d'ordre, de sagesse, d'opportunité; agent de 1'étranger, quiconque outrage les mœurs, offense la vertu, et, dans le dérèglement de son cœur, nie Dieu.

ANATOLE FRANCE
(da L'ile des Pingouins e da Les dieux ont soif)